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- Un autre regard sur l’autisme
La question de la prise en charge des personnes atteintes de Troubles du Spectre Autistique (TSA) est un enjeu majeur pour Perce-Neige ; en effet, 20% à 30% des résidents actuellement accueillis sur l’ensemble du territoire sont concernés.
La Fondation dispose depuis 2014 d’une chargée de mission spécialisée dans ce domaine, Armelle Saillour.
« La récente université d’automne de l’Association pour la Recherche sur l’Autisme et la Prévention des Inadaptations (ARAPI) soulignait qu’un enfant sur 68 né aux États-Unis présentait des TSA. Plusieurs hypothèses sont à l’étude face à l’envolée de ces chiffres : un meilleur diagnostic mais aussi sans doute la pollution, l’usage intensif de pesticides ou encore les perturbateurs endocriniens. Au-delà des indicateurs, le véritable sujet relève de la prise en charge des personnes avec autisme. Car, dans ce domaine, il est important de poser rapidement un diagnostic afin de pouvoir proposer un accompagnement adapté aux personnes favorisant ainsi leurs chances de vivre une vie normale. »
Le regard sur les TSA est bien souvent biaisé par la confusion entre autisme et déficience intellectuelle. Parfois l’enfant présente les deux dès la naissance, mais pas toujours. Si l’autisme est présent dès la naissance, la déficience se développe hélas trop souvent en raison d’un manque de prise en charge adaptée. En France, les délais d’attente dans les centres de diagnostic se comptent en années pour n’arriver parfois à un diagnostic que vers l’âge de 6 ans. Et certains adultes sont mêmes détectés après l’âge de 30 ans… Or, les premières années sont décisives. Un enfant bien accompagné dès l’âge de 3 ou 4 ans aura souvent en effet la possibilité d’apprendre à parler, à écrire, à se socialiser plus facilement, tout en demeurant scolarisé dans une classe « normale ».
Perce-Neige finance ainsi depuis plusieurs années des « Classes Soleil », petites unités maternelles destinées à l’accompagnement d’enfants autistes. Sans une prise en charge personnalisée, les enfants avec autisme risquent souvent, en grandissant, de se retrouver exclus du système scolaire…
« Heureusement, les parents sont de mieux en mieux informés et, dès les premiers signes chez leur enfant, nombreux sont ceux qui recherchent une prise en charge adaptée. Le repérage est d’autant plus facilité que des outils simples existent comme le CHAT (Checklist for Autism in Toddlers) qui permet d’évaluer le risque, à partir de l’âge de 18 mois, chez certains enfants de développer des Troubles du Spectre Autistique ».
Au fil des années d’expérience auprès des personnes autistes, Armelle Saillour a appris qu’il était essentiel de raisonner en termes de potentiels et non de déficience et que des progrès sont toujours possibles, même à l’âge adulte. « Dans le domaine de l’autisme, nous parlons souvent de petites victoires et seule l’évaluation permet de les valider. » Au sein des trois Maisons Perce-Neige dédiées à l’accueil de personnes autistes – Mandres-les-Roses (94), Brissac-Quincé (49) et Marseille (13) – les équipes Perce-Neige s’appuient sur des approches fondées sur l’évaluation d’une situation initiale, la définition d’objectifs à atteindre et la mise en place d’actions encadrées par des échéances précises.
« Parfois, les résultats sont spectaculaires comme par exemple pour une résidente de la Maison de Brissac-Quincé qui a acquis le langage à l’âge de 50 ans grâce à l’utilisation d’un classeur avec des images. Les personnes autistes ne sont pas enfermées dans leur bulle. Elles sont plutôt emmurées vivantes, prisonnières de cette bulle qui représente le seul moyen dont elles disposent pour se protéger des agressions extérieures qu’elles ne savent pas gérer. Car être autiste, c’est vivre dans un monde dont on n’a pas les clés, incompréhensible, imprévisible et chaotique. C’est entendre des mots qui ne sont parfois que des bruits, sans signification, tout en étant bombardé d’informations et de sensations que le cerveau parvient difficilement à analyser. C’est aussi ne pas comprendre les pensées ou les émotions d’autrui, ni savoir exprimer les siennes, et se sentir submergé faute de savoir distinguer l’essentiel de l’accessoire.
Au regard de ces éléments, il ne faut pas attendre de ces personnes un quelconque désir naturel de faire quelque chose. Il faut aller à leur rencontre, les stimuler, les amener à faire grandir jour après jour leurs potentialités. Notre objectif prioritaire est de développer la communication, car dès qu’une personne la maîtrise, elle devient plus autonome. » (…)
La Maison Perce-Neige de Marseille a ouvert le 16 janvier 2013. Aujourd’hui, l’établissement accueille 28 internes et 6 externes. « Pour faciliter l’intégration des personnes, nous avons mis en place des arrivées progressives, échelonnées entre janvier et juin 2013 » précise Marie-Paule Pottelain, directrice de l’établissement. « C’était tout particulièrement important car nous recevions de nouveaux résidents mais également mettions en place une nouvelle équipe que nous avons dû former à ces troubles complexes nécessitant une prise en charge particulièrement pointue pour être efficace. »(…)
Les professionnels de l’établissement disposent d’un panel d’outils leur permettant d’entrer en interaction avec les résidents, tels que des images. Les pictogrammes entrent dans le cadre de la méthode PECS (Picture Exchange Communication System) qui pallie les difficultés de communication orale. Grâce à un travail répété, les personnes atteintes de troubles autistiques vont progressivement apprendre à associer un besoin à une image ; voire pour celles qui sont le plus en difficulté, à un objet. Ce qu’elles ne peuvent exprimer verbalement, elles vont pouvoir le montrer. Et les progrès sont notables. Le but est que chaque résident puisse évoluer, à son rythme et en fonction de ses possibilités.
Les équipes utilisent également le programme TEACCH (Treatment and Education of Autistic and related Communication Handicapped Children). Il apporte des repères spatio-temporels comme des repères visuels aux résidents leur permettant une lisibilité du temps, un découpage fractionné de l’occupation de ce temps et une indication sur ce qui suit chaque activité, afin de rendre toute action prévisible.
Ces repères visuels sont très importants car ils leur permettent de traiter l’information de manière plus efficace. Chaque résident dispose ainsi d’un planning journalier. Les activités sont également encadrées par l’usage de « Time timers », des horloges qui illustrent le temps qui passe par une tranche de couleur rouge de taille variable et qui sonnent quand la durée impartie s’achève. Le Time Timer rend concrète et visuelle cette notion très abstraite qu’est le temps qui passe. L’amélioration des compétences des résidents dans de nombreux domaines et la compréhension ainsi que la gestion des comportements-problèmes s’appuient quant à elle sur l’analyse.
L’accompagnement des personnes autistes est souvent très complexe et nécessite une grande précision dans les actions menées de même que beaucoup de patience et d’empathie. «Certains résidents peuvent parfois avoir des comportements enfantins, mais jamais nous ne les infantilisons » précise Pierre Billy, chef de service. « Nous devons en revanche nous montrer vigilants, car il arrive que des résidents aient des comportements agressifs. Cela peut en effet être une réponse à une peur, une douleur, une frustration, un changement imprévu, une impossibilité de communiquer. Nous sommes ainsi toujours en relation visuelle avec eux pour anticiper leurs réactions » (…)
Extraits du Magazine Perce-Neige de décembre 2017