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- L’eau – Source de bien-être et de partage
Pour une personne en situation de handicap, l’eau est un élément particulièrement important qui lui permet de percevoir son corps différemment mais aussi de ressentir des sensations d’apaisement et de bien-être. Dans cette perspective, les Maisons Perce-Neige développent de multiples initiatives autour de l’eau. Nous vous proposons de découvrir celles menées par quatre d’entre-elles, adaptées à chaque fois aux profils des résidents qu’elles accueillent.
« Parmi ses 66 résidents, la Maison Perce-Neige d’Avignon (84) accueille 36 personnes en situation de polyhandicap* ou de plurihandicap » précise Carole DUPIRE, Directrice de la Maison. Pour ces personnes, le rapport à l’eau est tout particulier et il commence par celle que l’on boit. « Les problèmes pour avaler ou déglutir sont tels que nous devons gélifier l’eau pour certains résidents. L’opération s’effectue chaque matin. Les quantités préparées sont ensuite stockées dans un réfrigérateur pour être consommées tout au long de la journée. »
*Polyhandicap : déficiences motrices et intellectuelles avec restriction importante de l’autonomie. Plurihandicap : association de plusieurs déficiences de même gravité ayant plusieurs causes.
La prise de cette eau gélifiée demande une forte attention de la part des équipes. « Nous devons nous assurer que les personnes boivent suffisamment car il est indispensable de maintenir une bonne hydratation. » Cette eau permet également d’administrer les médicaments à certains résidents extrêmement fragiles que leur propre salive risquerait même d’étouffer. « Cela passe par une attention de chaque instant en veillant à respecter le temps nécessaire aux personnes pour boire. »
Si pour une personne valide l’eau est généralement synonyme de plaisir, pour une personne atteinte d’un handicap, elle peut représenter un moment de stress. « Le moment de la toilette se révèle effrayant pour certains résidents. Une simple goutte d’eau peut parfois générer de l’angoisse, d’où la nécessité de comprendre exactement ce qui convient ou pas à une personne, afin de lui proposer un accompagnement adapté. En suivant les principes de la « méthode basale », nous proposons à certains résidents des techniques d’enveloppement. Le résident est ainsi recouvert par une serviette et n’est jamais en contact direct avec l’eau. L’accompagnant passe le pommeau de douche progressivement et délicatement sur la serviette ».
Cette méthode s’appuie sur le principe de sensorialité en stimulant différemment ces personnes qui ont de très grandes difficultés à faire le lien entre leur environnement et les sensations physiques qu’elles éprouvent. Les équipes de Perce-Neige valorisent le moment privilégié du bain en effectuant notamment des niveaux de pressions différents ou en insistant sur le contact visuel.
« Nous individualisons chaque soin en fonction de l’hypo ou de l’hyper sensibilité du résident. » Pour renforcer l’accompagnement individualisé, la Maison a mis en place un projet organisé autour de la notion du bain apaisant. « Comme nous avons noté que les personnes polyhandicapées appréciaient beaucoup les activités que nous leur proposions autour de l’eau, nous essayons de généraliser cette approche individualisée à tous les résidents » déclare Coline RICO, éducatrice, pilote de ce projet. « L’enjeu consiste à transformer un acte de soin thérapeutique en moment de bien-être tout en facilitant sa mise en œuvre par les personnels. Grâce à cette approche, une résidente qui s’automutilait fréquemment est désormais plus apaisée. Cela participe également à limiter le recours à la médication pour répondre à des périodes de crise. »
L’eau reste un élément fondamental et structurant tout au long du quotidien des résidents de la Maison Perce-Neige de Colombes. « Quand la collectivité pèse ou lorsque les émotions envahissent, l’eau est un médiateur simple et accessible qui permet d’offrir des “bulles de réconfort” au niveau individuel (soins des mains…) ou en petit comité (arrosage du jardin…) » précise Miguy SAMINADIN, directrice de cet établissement. « Les propositions sensorielles telles que les colonnes à bulles en salle multisensorielle, avec le bruit de l’eau, le mouvement continu des bulles et les vibrations qu’elles émettent, favorisent un état de bien-être et de détente. Certains résidents peuvent finir par somnoler, alors que d’autres vont explorer cet environnement calme et apaisant. La création de ces rendez-vous s’inscrit dans la mise en place de rituels et de repères bénéfiques aux résidents ».
Comme le précise Carole DUPIRE, directrice de la Maison Perce-Neige d’Avignon, « L’eau occupe une place importante dans le dispositif thérapeutique. La Maison dispose de baignoires thérapeutiques qui associent l’eau à des sons et des vibrations mais aussi des lumières qui vont stimuler les sens des personnes ». L’approche thérapeutique se complète également par des activités pratiquées dans la piscine. Elles s’articulent autour de quatre dimensions. La flottaison avec un déplacement en apesanteur. La pression hydrostatique favorisant le drainage lymphatique et la circulation veineuse. La viscosité qui offre une résistance bénéfique pour le tonus musculaire. Et enfin, la densité de l’eau venant renforcer la perception de l’environnement. « Toutes les activités autour de l’eau permettent également de concrétiser un rapport au temps. »
L’une des ambitions de la Fondation Perce-Neige est de favoriser l’intégration des résidents dans la vie locale. Dans cette dynamique, la Maison de Givrand (85) développe de multiples activités en extérieur. « Nous souhaitons que les résidents vivent le plus normalement possible en relation directe avec les habitants des villes environnantes » souligne Blandine PERTHUY, directrice de ce Foyer de Vie non médicalisé. Et l’océan Atlantique, situé à moins de 2 km, représente un excellent moyen de le faire.
« Lors de l’ouverture de l’établissement en 2003, nous avons accueilli 30 adultes en situation de handicap mental qui sont pour la plupart toujours résidents de la Maison. Depuis trois ans, cinq jeunes adultes provenant d’Instituts Médico-Educatifs nous ont rejoints en accueil de jour. Cela a apporté une nouvelle dynamique avec l’objectif de leur proposer des activités adaptées à leur âge et à leurs envies. » Depuis l’ouverture de la Maison, l’équipe se mobilise et désormais, les résidents pratiquent le surf, le char à voile mais aussi des sorties baignades. « L’apport est indéniable car ils se défoulent totalement lors de ces activités. L’eau a des vertus apaisantes sur des personnes souvent angoissées. Cela, quel que soit le type d’activité. Et le choix est vaste avec le sport nautique pour les plus sportifs, les activités balnéaires pour la détente voire même deux sorties par semaine à la piscine municipale proposées à tous les résidents avec un intérêt renforcé pour le maintien de la masse musculaire et donc de la mobilité. » Yannick retrouve ainsi une liberté de mouvement une fois qu’il est dans la mer malgré des difficultés motrices. Fabrice est fier de pouvoir désormais partager la même passion que son frère pour ce sport de glisse. « Tout le monde bénéficie de cette énergie positive avec de beaux moments de partage ».
La Maison Perce-Neige de Gourdon (46) place l’activité physique au cœur de son projet d’accompagnement au quotidien. Et cela passe par une approche sur mesure. La Maison dispose en effet d’un Foyer de Vie et d’un Foyer d’Accueil Médicalisé (FAM) avec des profils de résidents différents, en particulier en termes de capacités. Le Foyer de Vie accueille 20 résidents en situation de handicap mental disposant de toutes leurs facultés motrices. Le FAM prend quant à lui en charge 11 résidents plus lourdement handicapés. « Nous devons donc développer des propositions en nous adaptant aux capacités de chaque résident » souligne Clémentine LAMBERT, directrice de la Maison. « Pour ceux du Foyer de Vie, les activités physiques vont être davantage tournées vers une pratique sportive. Pour ceux du FAM, il s’agira plus particulièrement de maintenir leur condition physique ». Derrière la proposition d’activités, se dresse pour tous l’enjeu d’entretenir sa santé ! « Plus que les personnes valides, les résidents doivent lutter contre la sédentarité. Comme ils n’ont pas d’activité professionnelle, rien ne les incite particulièrement à sortir de la Maison en journée. Cela devient d’autant plus nécessaire de proposer ce type d’activités et sorties quand des difficultés de mobilité viennent se greffer au handicap mental. »
La mise en place d’initiatives sportives au sein d’un établissement pose la question de leur coordination et de leur pérennité. « Pour nous inscrire dans une véritable dynamique de projets individualisés sport et santé, nous venons d’aménager un poste d’éducateur sportif. Dans ce cadre, Benoît, membre de l’équipe d’accompagnement depuis 10 ans, et professionnel du sport depuis toujours, vient d’être diplômé Éducateur sportif tous sports adaptés.
Son temps de travail est désormais partagé entre l’accompagnement à la vie quotidienne et l’éducation sportive. » Les perspectives pour les résidents sont multiples. « Cela veut dire augmenter le nombre d’activités mais surtout leur fréquence. Nous sommes très à l’écoute des demandes en cherchant à susciter au maximum l’envie de participer. Dans le cadre des projets mis en place, l’eau occupe une place particulière. Il s’agit d’activités traditionnelles comme la piscine mais aussi d’autres beaucoup plus sportives comme le canoë-kayak pratiqué sur la Dordogne qui coule à quelques kilomètres. « Les activités piscine sont pratiquées par 15 de nos résidents et principalement axées sur la détente et la socialisation. Mais elles représentent également une source de motivation pour certains d’entre eux qui visent le brevet de natation sur 25 mètres. À la clé, la possibilité de participer à une sortie de canoë-kayak. »
Au départ, l’activité canoë-kayak a été mise en place pour faire plaisir à une résidente, Claudine. « Cette femme de 57 ans pensait pourtant que c’était impossible pour elle. » Les équipes Perce-Neige l’ont aidé à constater qu’elle en était totalement capable. Avec Thomas, un autre résident, ils ont passé leur brevet de natation puis se sont familiarisés avec le canoë-kayak. Après 4 mois d’efforts est venu le temps de la récompense avec une première sortie dans les mêmes conditions de pratique que des personnes valides. Aujourd’hui, 7 résidents pratiquent ce sport loisir en collaboration avec le foyer de Faugeras, situé à quelques kilomètres qui met notamment son matériel à disposition dans un véritable esprit d’équipe. Et Clémentine LAMBERT de conclure : « L’activité physique est essentielle. Elle permet aux résidents de maintenir leurs capacités voire de les renforcer. Elle développe l’estime de soi, elle encourage la confiance en soi et envers les autres. Et, comme le souhaitait Lino Ventura, à travers son vecteur de socialisation, elle favorise le fait qu’ils puissent vivre la vie la plus ordinaire possible, au-delà de leur handicap. »
Extrait du Magazine des actions de la Fondation, juin 2019.