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- Handicap psychique, des souffrances invisibles
Si les handicaps physiques ou mentaux s’identifient souvent d’un simple regard, le handicap psychique passe souvent inaperçu. La prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiques sévères nécessite pourtant un accompagnement individualisé dans des établissements médico-sociaux adaptés comme ceux de Perce-Neige. L’enjeu est en effet d’accueillir les personnes dans des lieux de vie où elles pourront s’épanouir.
Le handicap psychique est particulièrement insidieux. Il ne se voit pas et les personnes atteintes peuvent nier leur état. « La notion d’empêchement à vivre une vie normale comme entretenir des relations familiales et amicales, se loger ou encore travailler est essentielle dans la compréhension du handicap psychique » souligne Laure Barrailler, Conseillère technique de Perce-Neige. « Dans la majorité des cas, les troubles ne sont pas présents à la naissance. Ils se déclenchent lors de l’adolescence ou à l’âge adulte, sans réelle possibilité de les détecter auparavant. Le basculement s’opère généralement à la suite d’un événement qui va déclencher les troubles. Dans la phase sévère, on parle de décompensation. La personne perd un équilibre qui pouvait jusque-là demeurer précaire, avec parfois la nécessité d’une hospitalisation pendant cette phase critique. » Le handicap psychique est d’autant plus violent qu’il frappe des individus qui ont généralement eu une vie normale auparavant. « Certains ont ainsi beaucoup de mal à accepter leur situation notamment parce que cette catégorie de handicap demeure encore aujourd’hui stigmatisée dans notre société. Les troubles psychiques restent souvent associés à la folie et les personnes atteintes sont parfois perçues comme dangereuses alors que la plupart du temps ce n’est pas le cas. »
L’approche du handicap psychique est délicate avec la nécessité de différencier la névrose de la psychose. « Lorsqu’une personne névrosée “craque”, elle ne perd pas pour autant tous ses repères, alors qu’un individu atteint de troubles psychotiques perd le contact avec la réalité, son vécu est transformé, sa personnalité désorganisée » précise Laure Barrailler. Les personnes souffrant de handicap psychique présentent plusieurs caractéristiques communes : le maintien des capacités cognitives, d’où la souffrance, le besoin de médicaments, avec effets secondaires fréquents et l’extrême variabilité dans l’intensité des problèmes rencontrés. « Ces personnes sont tout d’abord vulnérables avec une grande difficulté à demander de l’aide même si elles possèdent de bonnes capacités verbales. Il leur est difficile de communiquer sur la douleur ressentie, de sensibiliser l’autre à leur souffrance. Le handicap psychique est également marqué par une difficulté dans les interactions sociales, comme une tendance au repli sur soi et à l’isolement ou des relations sociales fortement perturbées. Ces éléments conjugués agissent défavorablement sur l’estime de soi, déjà bien entamée. » Une autre caractéristique de ce type de handicap repose sur l’évolution imprévisible des troubles psychotiques. « Les personnes sont très sensibles à leur environnement et le moindre changement peut provoquer une crise avec, dans les épisodes majeurs, la nécessité d’une hospitalisation. Un accompagnement et un environnement adaptés se révèlent ainsi essentiels car ils favorisent la maîtrise des troubles et souvent leur régression. L’enjeu consiste à rendre la personne la plus autonome et épanouie possible, actrice de ses choix, en lui offrant un espace de vie structuré, chaleureux et apaisant. Il s’agit notamment d’éviter des décompensations nécessitant de nouvelles hospitalisations. »
Depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2005, Perce-Neige a mis son expertise de l’accueil et de l’hébergement des personnes handicapées mentales au service des personnes atteintes de handicap psychique. « L’enjeu est immense car il ne faut pas oublier qu’avant la reconnaissance du handicap psychique et la possibilité d’accueillir ces personnes en établissement médico-social, elles étaient maintenues en hôpital psychiatrique, renvoyées dans leurs familles, ou livrées à elles-mêmes dans la rue, parfois sans domicile fixe. Aujourd’hui, nous accueillons des résidents majeurs atteints de troubles psychiques dans plusieurs Maisons Perce-Neige à travers la France comme à Saint-Laurentsur-Gorre (Haute-Vienne) ou à Chauché (Vendée). Pour pouvoir vivre dans une Maison Perce-Neige, l’état de la personne doit être relativement stabilisé pour profiter pleinement d’une vie communautaire, sans crises importantes ni trop rapprochées. Il est important de conserver les liens familiaux, sociaux et médicaux antérieurs dans le respect d’un parcours avec le moins de ruptures possible. Nous proposons aux résidents de véritables lieux de vie avec une triple approche : favoriser la vie sociale à travers des activités adaptées, veiller à limiter tout facteur pouvant générer des angoisses et assurer un suivi médical régulier en liaison avec des spécialistes en psychiatrie, qui pour certains connaissaient le résident avant son entrée à Perce-Neige. Le maintien de la continuité des soins est primordial. Ils peuvent être réalisés en consultation, en CMP (Centre Médico-Psychologique), ou par une équipe mobile spécialisée qui se déplace au sein de l’établissement, comme à Saint-Laurent-sur-Gorre. L’essentiel consiste à maintenir un environnement sécurisant, où les relations sociales sont possibles sans stigmatisation ni jugement, dans une ambiance chaleureuse et où la vie quotidienne est simple et source de réalisation de soi. La vie au sein d’une Maison Perce-Neige contribue à apaiser les angoisses et participe à renforcer l’estime de soi. Un résident qui se sent mieux prendra moins de médicaments, dont beaucoup malheureusement présentent des effets secondaires » déclare Laure Barrailler.
Au quotidien, les résidents souffrant de handicap psychique requièrent un accompagnement particulier et une attention importante. « La plupart conservent leurs capacités cognitives. Nous devons veiller à leur permettre d’exprimer leur créativité à travers des activités adaptées à leurs capacités et à leurs envies, en respectant leurs choix. Nous proposons dans cette perspective de nombreux ateliers qui participent à renforcer l’estime de soi. Nos équipes mettent tout en œuvre pour que les résidents se sentent chez eux, dans “leur” Maison où ils ont leur place bien identifiée. »
Pour répondre notamment aux enjeux du handicap psychique, la Fondation a ouvert en 2010 la Maison Perce-Neige de Saint-Laurent-sur-Gorre, en Haute-Vienne. Elle dispose d’une capacité d’accueil de 32 résidents dont 4 en accueil de jour. Il s’agit d’adultes handicapés vieillissants, âgés de plus de 40 ans. Parmi eux, 10 viennent de l’unité psychiatrique du Centre Hospitalier Esquirol de Limoges situé à quelques kilomètres. Le lien avec cet établissement spécialisé a été maintenu grâce à la mise en place d’une Équipe Mobile Handicap Psychique (EMHP). Sylvie Laroye, Directrice de la Maison précise : « Lors de l’ouverture de la Maison il y a 9 ans, cette équipe nous a accompagnés dans la prise en charge des résidents en particulier pour répondre à des situations de crise ou des comportements difficiles à appréhender. Compte tenu des bons résultats, les visites se sont espacées. Elles sont passées d’une fois par semaine à une fois par mois. L’objectif de ce partenariat consiste à éviter au maximum l’hospitalisation en identifiant très tôt les raisons des comportements “problèmes” qui se traduisent par des montées d’angoisse ou une agressivité envers les autres. » Dans cette approche, les équipes de la Maison de Saint-Laurent-sur-Gorre sont particulièrement mobilisées. « Cela nécessite une observation fine du comportement des résidents en veillant continuellement avec bienveillance à leur bien-être. Nous apportons une grande importance à la notion de vivre ensemble. Nous vivons dans un collectif tout en prenant en charge le résident individuellement. » Cette approche s’avère très exigeante pour les équipes. « Pour que les résidents puissent s’épanouir, les équipes doivent aussi se sentir bien. Alors, nous sommes très à l’écoute des personnels. Nous échangeons quotidiennement sur les difficultés en recherchant les meilleures solutions tout en étant pleinement conscients que les équipes elles-mêmes peuvent être en souffrance. Alors, quand nous sommes confrontés à une difficulté majeure, nous nous tournons vers l’EMHP. » La Maison tient également compte de la spécificité des résidents atteints de troubles psychiques avec, dans certains cas, un aménagement du règlement de fonctionnement. « Ces personnes ont besoin de se sentir libres de faire ce qu’elles souhaitent. C’est très important pour elles car elles ont eu une vie “normale” avant d’arriver ici et qu’à un moment tout a basculé suite à un accident de la vie. La notion de respect est très importante dans la démarche de Perce-Neige. »
Les Maisons Perce-Neige accueillent également des résidents présentant des handicaps mentaux ou des polyhandicaps associés à des troubles psychiques. C’est le cas de la Maison de Courbevoie (92). « Beaucoup de résidents que nous accueillons présentent au moins un trouble psychique, comme par exemple des troubles du comportement » précise Gautier Vansteene, Directeur de la Maison. « Ils sont parfois provoqués par la difficulté à se repérer dans le temps et l’espace ce qui génère des angoisses profondes. » Exemple avec un résident qui a entendu un autre résident parler d’une activité prévue le lendemain alors qu’elle est organisée normalement un autre jour de la semaine. Cette simple phrase a entraîné une importante crise d’angoisse. « Nous disposons d’une méthodologie déployée au sein de certaines Maisons Perce-Neige afin d’accompagner au mieux les résidents. Nous utilisons notamment des supports visuels ou tout moyen adapté aux capacités spécifiques de chaque personne. C’est extrêmement exigeant pour nos équipes, mais particulièrement efficace pour l’équilibre des résidents. Par exemple, cela ne sert à rien de répéter plusieurs fois la même phrase à un résident dont le trouble s’exprime par la répétition. En revanche, l’aider à se repérer dans le temps en lui montrant un planning de la semaine et une image représentant une activité qu’il apprécie se révèle plus adapté. Nous accueillons 27 résidents (dont une personne en accueil temporaire) au sein de la Maison de Courbevoie avec 27 prises en charges différentes. Cette personnalisation de l’accompagnement s’accompagne d’un dialogue constant avec les familles. »
L’un des piliers de la démarche de Perce-Neige repose sur le principe suivant : observation, mise en place d’une action individualisée, évaluation et réajustement si nécessaire. « C’est une réelle démarche d’amélioration continue. Nous n’hésitons pas à tester de nouvelles approches pour apaiser le résident. » Une personne, par exemple, ne supportait plus le bruit. « Le simple fait de lui permettre de changer d’étage, en l’installant aux côtés de résidents plus âgés, l’a complètement apaisée. Nous avons ainsi remarqué que ce changement d’étage lui a permis d’être davantage dans l’interaction avec les autres résidents et les professionnels ». Gautier Vansteene insiste sur la souplesse du dispositif mis en place. « Rien n’est figé. Nous veillons en permanence au bien-être des personnes à travers des rendez-vous réguliers avec les résidents, les familles et bien évidemment une concertation au sein de l’équipe pluridisciplinaire ».
Extraits du Magazine des actions de la Fondation, mars 2019.