Arnaud
et le Locked-in-Syndrome

SOMMAIRE

Parmi les handicaps consécutifs à un AVC, on compte notamment le Locked-in-Syndrome (LIS), littéralement « syndrome d’enfermement ». Un esprit prisonnier d’un corps inerte qui ne répond plus aux ordres du cerveau intact et qui ne peut s’exprimer que par le clignement des yeux, seul mouvement préservé. La personne concernée voit, entend et comprend tout, mais ne peut plus ni bouger ni parler.

C’est le cas d’Arnaud qui nous apporte son témoignage sur sa façon de communiquer.

Je m’appelle Arnaud, j’ai 41 ans. Je suis devenu Locked In après un AVC en janvier 2000 (l’année du fameux bug). Je vis à la Maison de Boulogne depuis 2017.

Si on est privé de la parole, pour communiquer on utilise d’abord tout ce qu’il nous reste de possible à exploiter, en l’occurrence pour moi, il s’agissait du mouvement vertical de mes yeux ainsi que quelques parties des muscles du visage. Aujourd’hui, je commence à faire oui et non de la tête mais ce n’était pas envisageable tout de suite à mon réveil après le coma qu’a provoqué l’AVC.
La première chose à faire est de définir un signe pour le oui et pour le non. Quand on m’a demandé de faire ce choix, je n’avais pas eu le temps d’y réfléchir et j’ai fait avec les yeux ce que j’aurais fait avec la tête pour le oui. C’était le mouvement qui me paraissait le plus facilement reconnaissable. Un an plus tard, une fois que tout le monde était bien habitué, j’ai trouvé comment les embêter …
J’ai opté pour les yeux en bas qui signifient le oui et en haut pour le non : un code plus aisé pour moi mais qui a dérouté mon entourage !

Quand on a perdu l’usage de la parole, que les réponses possibles à une question se limitent à un signe pour oui et un autre pour non ; un des inconvénients se manifeste quand votre interlocuteur vous fait une demande en mettant une négation dans sa question. Par exemple, si on m’interroge en me disant : « Tu n’as pas froid ? »
La même réponse peut être interprétée de deux façons : si l’on fait un signe pour oui cela peut vouloir dire « Si, j’ai froid » ou l’on peut comprendre également « C’est vrai, je n’ai pas froid ».

Si l’on veut se rapprocher du formidable traducteur de pensées qu’est la parole ; c’est lettre à lettre que l’on dicte les mots. Un tableau spécifique de communication existe alors. Plutôt que d’utiliser l’ordre alphabétique classique, il est fait en fonction de la fréquence d’apparition des lettres des mots dans la langue française. Pour l’écrit, on peut utiliser le tableau ESARIN. Pour une conversation l’ordre EJASINT qui introduit le J de ‘je’ paraît plus adapté. Pour aller plus vite, on divise les lettres en plusieurs lignes. Selon les individus, l’ordre des lettres varie ainsi que le nombre de lignes.

Le tableau se présente de façon pyramidale :
EANRCV
JILPHW
SUDGK
TMBZ
OFX
QY

 

Néanmoins, ce qui a vraiment amélioré ma communication, c’est quand, environ 15 ans après l’AVC, j’ai pu un peu refaire vibrer une corde vocale et ainsi pouvoir alerter quelqu’un que j’avais quelque chose à dire !
Ensuite, je communique en tapant lettre à lettre sur le clavier qui s’affiche sur mon écran en exerçant une pression sur un contacteur avec un doigt : la « zen attitude », la patience sont bien plus que conseillées, elles sont obligatoires pour cet exercice ! Il faut donc réussir à se faire comprendre en utilisant le moins de mots possibles, et chaque mot avec le minimum de lettres nécessaires à l’aide d’abréviations.

 

J’ai vécu récemment une expérience intéressante : le directeur de la MAS de Boulogne a souhaité impliquer les résidents dans le choix des membres du personnel soignant.
Connectés par visioconférence, nous avons pu assister à des entretiens d’embauche et nous avons posé directement nos questions aux candidats. Après l’entretien, le directeur est venu nous demander notre impression sur les candidats avant de faire sa sélection.

Ce procédé, très novateur, est également très gratifiant. Nous nous sentons impliqués, utiles. De plus, les candidats prennent ainsi conscience de la personnalité des personnes dont ils auront à prendre soin.