Témoignage d’Aurélie Pedrola, professeure d’activités physiques adaptées à l’IME Perce-Neige Alternance Paris qui accompagne des adolescents et jeunes adultes autistes.
« L’activité escalade, plus précisément, l’escalade destinée à la compétition a été mise en place au sein de l’IME Perce-Neige Alternance Paris avec l’arrivée d’un jeune homme autiste, Dioncounda, chez qui nous avons détecté un vrai potentiel pour ce sport exigent.
Très doué dans ce domaine, Dioncounda, 20 ans bientôt, pratiquait l’escalade bien avant de venir à l’IME. Nous avons alors décidé de valoriser ses compétences et avec un groupe de 3 autres jeunes à l’aise dans cette discipline, Saibo, Berivan, Seydina, de leur proposer un entrainement hebdomadaire avec des objectifs individuels et différents niveaux pour chacun d’entre eux.
Tous pratiquent l’escalade en voie avec un éducateur en binôme qui les assure au sol par l’intermédiaire d’une corde reliée à leur baudrier. Ils ont appris à gérer leur matériel ; certains à s’assurer en autonomie pendant le passage des voies et à descendre en rappel. Chacun à son rythme avec un accompagnement individualisé pour gagner en confiance, pour dépasser les points de blocage, gérer le stress et l’appréhension du vide.
Il faut beaucoup de détermination et de concentration pour parvenir à grimper entre 6 et 10 mètres comme ils le font. Ce sport canalise leur agitation, leur angoisse quotidiennes liées à l’autisme. Ils arrivent à respecter et appliquer les consignes, à se contrôler et à dépasser leur stress pour réaliser des déplacements complexes. Pour ce groupe de pratiquants, on peut voir l’escalade comme un moyen de se dépasser.
Lors des séances quotidiennes de grimpe à la salle Clim up d’Aubervilliers (93), ils arrivent à verbaliser leurs angoisses, à se concentrer uniquement sur l’objectif à atteindre sans être déstabilisés par des stimuli extérieurs, d’autant plus lors des compétitions avec leur lot de bruit, d’agitation, de sollicitations multiples. Tous comprennent bien l’enjeu des compétitions et doivent le gérer comme n’importe quel autre sportif en dehors du cadre du sport adapté.
En ce qui concerne les compétitions, le groupe participe une fois par an à une compétition régionale en Ile-de-France, prérequis pour avoir accès au championnat de France organisé par la Fédération Française de Sport Adapté FFSA. Quels que soient leurs résultats, ils pourront alors concourir lors du Championnat. Ce dernier a eu lieu du 17 au 19 mars à Montauban (82) réunissant plus de 130 sportifs en situation de handicap, dont nos 4 compétiteurs bien déterminés à gagner !
Pendant les phases de qualifications, chacun d’entre eux n’a pas démérité avec un classement de la première à la troisième place dans leurs catégories respectives. En tête de la catégorie CD, avec des exigences similaires à l’escalade non adaptée, Dioncounda remettait en jeu son titre de vainqueur pour la troisième année consécutive.
Un challenge qu’il a géré comme un pro avec sérénité et détermination. Il faut savoir que cette catégorie de grimpeurs est isolée lors des passages des voies, pour les phases finales. Chacun d’entre eux étant appelé un par un pour ne pas voir le parcours du précédent, son palmarès et les prises utilisées.
C’est avec beaucoup de calme qu’il a géré seul cette pression, choisi les voies qui lui rapporteraient le plus de points et est arrivé premier à 16 mètres de hauteur ! Une fois arrivé tout en haut, il a crié sa joie et on a tous pleuré ! Tout à coup la donne change, il n’y a plus de handicap, seules comptent la performance sportive et la joie immense partagée tous ensemble ! Ce sport les valorise énormément, leur donne confiance en eux ainsi que la possibilité de se dépasser.
La performance de Dioncounda, son style fluide de grimpe ont d’ailleurs été remarqués par d’autres équipes qui nous ont interrogés sur son entrainement nous conseillant de le faire grimper dans des compétitions ordinaires. Une belle reconnaissance de ses capacités !
Une fois la compétition terminée les trois garçons sont repartis avec une médaille. Bérivan était, quant à elle, ravie d’avoir participé et d’avoir donné le maximum d’elle-même. Dioncounda, lui, a remis son casque pour préserver son hypersensibilité au bruit, inexistante lors de la compétition, et s’est mis à l’écart. Il avait fait le job et son comportement habituel a repris le dessus… »